COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 23.4.2025
COM(2025) 185 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Rapport 2025 sur la situation dans l’espace Schengen
Rapport 2025 sur la situation dans l’espace Schengen
40e anniversaire de Schengen
1.Schengen, un atout stratégique
Signé le 14 juin 1985, l’accord de Schengen a marqué le début d’une nouvelle ère de coopération stratégique et d’intégration toujours plus poussée axée sur la liberté et la sécurité de ses citoyens. La vision était simple mais profonde: construire une Europe au sein de laquelle les citoyens pourraient franchir les frontières intérieures sans rencontrer d’obstacles, ce qui favoriserait la croissance économique, les échanges culturels et la cohésion sociale, tout en renforçant la sécurité collective.
La création de l’espace Schengen a été un moment décisif dans le processus de construction d’une Europe unie, une Europe au service de ses citoyens. L’accord de Schengen a d’abord apporté des avantages tangibles aux régions frontalières, qui sont au cœur du processus d’intégration de l’Europe, puis a étendu ces avantages à l’ensemble du continent. Au fur et à mesure de son évolution, le projet Schengen ne s’est plus limité à un simple accord de suppression des contrôles aux frontières. Au fil des ans, Schengen est devenu un système résilient et multidimensionnel, fondé sur une gestion efficace des frontières extérieures, sur des règles communes en matière de visas, de retours et de coopération policière, sur une coordination étroite entre les autorités nationales et sur une coopération internationale resserrée. Pleinement intégré dans le cadre de l’Union européenne, il a vu le nombre de ses membres et son ambition croître, symbolisant l’engagement de l’Europe en faveur de l’unité, de la liberté et de la sécurité.
Quatre décennies après sa création, Schengen est bien plus qu’un simple symbole de la mobilité: c’est un outil qui sert à améliorer la vie des citoyens et à faciliter le commerce ainsi qu’un outil permettant de renforcer la position de l’Europe sur la scène mondiale. Aujourd’hui au cœur d’une Europe plus forte et plus sûre, Schengen facilite la vie quotidienne de plus de 450 millions d’Européens. Schengen, qui demeure un projet conçu dans l’intérêt des citoyens, a également évolué, de trois manières, pour devenir un atout stratégique de l’Union.
Premièrement, en tant que moteur essentiel du marché unique, l’espace Schengen est un facteur déterminant de la croissance économique, de la compétitivité et de la souveraineté économique de l’Europe. Dans un paysage mondial de plus en plus instable, marqué par la résurgence des tensions géopolitiques et par la concurrence géoéconomique, l’économie européenne a besoin d’un environnement sans obstacles pour prospérer et d’être moins exposé aux dépendances extérieures. L’espace Schengen renforce notre résilience collective en contribuant à la libre circulation des biens, des services et des personnes. Comme le souligne le rapport Letta, il joue un rôle essentiel dans le maintien et le renforcement des chaînes d’approvisionnement en Europe et dans la consolidation du marché unique.
Deuxièmement, Schengen est la riposte la plus forte de l’Union aux défis d’un monde où les menaces ne se limitent plus aux territoires nationaux. Il nous permet d’exploiter notre expertise et nos ressources collectives, en créant un cadre de sécurité bien plus solide et bien plus efficace que la somme des systèmes nationaux individuels. Schengen met à disposition un ensemble d’outils, de ressources collectives et de capacités nécessaires pour faire face aux menaces complexes et transnationales qui pèsent aujourd’hui sur la liberté et la sécurité. Ces menaces, qu’elles proviennent de réseaux criminels organisés ou d’acteurs étatiques ou non étatiques hostiles, ne peuvent être combattues efficacement par les nations prises individuellement. Dans le paysage géopolitique et sécuritaire actuel, Schengen n’est plus seulement un avantage, c’est une nécessité.
Troisièmement, alors que des acteurs hostiles cherchent à affaiblir et à fragmenter l’Europe, Schengen constitue une force d’unité qui rapproche les Européens. Schengen favorise l’unité et contribue à l’émergence d’une identité européenne tangible commune. Il s’agit d’une défense politique profondément ancrée contre les tentatives visant à semer la division et la méfiance parmi les Européens.
Pour que les citoyens puissent jouir pleinement des droits et libertés qui découlent de l’acquis de Schengen, il est indispensable que les États membres s’accordent une confiance mutuelle, qui repose à son tour sur une mise en œuvre effective des règles convenues. Il convient de respecter strictement les normes communes en matière de lutte contre la migration illégale, la criminalité organisée et le terrorisme, ainsi que contre le trafic de migrants, tout en assurant une protection adéquate des droits fondamentaux. Des mécanismes efficaces visant à en assurer le respect et un effort coordonné à tous les niveaux sont essentiels pour une coopération durable entre les États membres.
Aujourd’hui, comme en 1985, il est temps de réaffirmer notre confiance dans ce projet, en reconnaissant que nous nous trouvons à un autre moment décisif dans les efforts que nous déployons actuellement pour préserver et consolider une Europe forte et unie. Un actif stratégique nécessite un renouvellement et un investissement continus, notamment sur le plan des politiques, des moyens d’action et de la réglementation, ainsi qu’au niveau opérationnel.
Investir dans Schengen en tant qu’atout stratégique: faire progresser la gouvernance politique et le cadre réglementaire de l’espace Schengen
Le cadre de gouvernance de Schengen comprend un corpus de règles communes et un système d’institutions et de procédures régissant toutes les politiques et mesures qui sous-tendent le bon fonctionnement de l’espace Schengen. Il veille à ce que cet espace fonctionne sans heurts et conformément aux objectifs d’action fondés sur les principes de responsabilité partagée, de confiance mutuelle et de contrôle des règles convenues. Il s’appuie sur une coordination étroite entre toutes les autorités et sur une coopération étroite entre les États membres et avec les agences de l’UE concernées.
Au cours du cycle Schengen 2024-2025, le baromètre Schengen + a fourni un aperçu régulier des principaux facteurs qui ont une incidence sur l’espace Schengen, consolidant ainsi l’analyse situationnelle de Schengen. Ces informations améliorent l’état de préparation ainsi que l’élaboration des politiques publiques, par exemple en matière de lutte contre le trafic de drogues, de visas et de retour. La Commission et la présidence belge ont coorganisé, en 2024, un atelier avec les pays de l’espace Schengen et les agences chargées de la justice et des affaires intérieures, qui a permis de mettre en évidence la nécessité de rationaliser les obligations en matière de communication d’informations, d’harmoniser les définitions des indicateurs clés et d’optimiser l’utilisation d’autres outils tels qu’Eurosur pour l’échange d’informations. Huit conclusions opérationnelles, notamment la cartographie des cadres de déclaration et la résolution de certaines lacunes en matière de données, façonneront le cycle Schengen 2025-2026. Cela permettra d’améliorer le baromètre Schengen +, en l’affinant pour en faire un outil pointu et plus efficace aux fins d’une meilleure gouvernance.
Des progrès ont également été accomplis au cours de la présidence belge en vue de créer un cadre commun de coordination accrue, comme l’a proposé la Commission en 2024. La réunion des hauts fonctionnaires Schengen qui a été instituée se veut un forum pour aborder des questions d’intérêt commun et préparer les débats en vue du Conseil Schengen. La première réunion a porté sur la gouvernance, sur la cohérence juridique et sur l’élargissement. La deuxième réunion, qui s’est tenue sous l’égide de la présidence hongroise, a mis l’accent sur la coopération régionale en tant que solution de substitution concrète aux contrôles aux frontières intérieures, qui renforce la gestion des frontières extérieures et la coopération avec les pays tiers. Ce format continuera de jouer un rôle essentiel dans le soutien à la coordination des politiques.
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Les profondes mutations du paysage politique mondial sont à la fois source de défis opérationnels et de possibilités. L’approfondissement et l’élargissement de l’espace Schengen permettraient de raffermir notre force collective pour relever ces défis. Il est nécessaire de procéder à un recalibrage stratégique de la mise en œuvre des règles et d’accroître les investissements dans les domaines ayant à long terme la plus grande incidence en commençant, à l’extérieur, par une politique des visas forte et par une coopération rapprochée avec les pays tiers. Dans le même temps, nous devons gérer efficacement nos frontières extérieures et axer nos ressources, nos équipements et nos technologies sur le renforcement de la sécurité. Cela créera l’espace nécessaire à une coopération plus poussée au sein de l’espace Schengen afin de stimuler l’action collective tout en favorisant une plus grande intégration entre les citoyens. En fin de compte, l’espace Schengen n’est pas un ensemble de parties isolées, mais un système cohérent dans lequel toutes les parties collaborent pour soutenir nos objectifs communs et renforcer notre résilience collective.
Le rôle de surveillance de la Commission a été renforcé. S’appuyant sur les progrès accomplis ces dernières années, la Commission continuera de tirer pleinement parti des inspections de vérification, des nouvelles inspections, des inspections inopinées et des autres instruments de contrôle de l’application dont elle dispose. Les États membres doivent également privilégier les financements de l’UE pour remédier aux vulnérabilités recensées dans les évaluations Schengen et les évaluations de la vulnérabilité de Frontex. Il est donc prioritaire de veiller à ce que les fonds de l’UE soient liés stratégiquement aux réformes nécessaires.
Investir dans Schengen en tant qu’atout stratégique: action opérationnelle
Le mécanisme d’évaluation et de contrôle Schengen, qui est l’élément central de la gouvernance, constitue la boussole du système pour repérer les manquements et les domaines à améliorer avant qu’ils ne menacent l’intégrité du système; il est gage d’un juste équilibre des mesures destinées à combler les lacunes. La confiance mutuelle est au cœur de Schengen, et le mécanisme d’évaluation met celle-ci en pratique. Les pays de l’espace Schengen non seulement veillent à ce que leurs systèmes fonctionnent efficacement, mais ils se soutiennent aussi activement, reconnaissant que les succès (et les échecs) de l’un d’eux ont une incidence sur la stabilité et la sécurité de l’ensemble de l’espace Schengen.
En 2024, la Commission a mis en œuvre le programme d’évaluation annuel qui a donné lieu aux rapports par pays Schengen de la Croatie, de la Pologne, de la Hongrie, de la Tchéquie et de la Slovaquie. La Commission a également contrôlé la mise en œuvre des mesures correctives communiquées par la Grèce, l’Irlande et le Danemark. Des inspections inopinées ont été effectuées en février 2024 dans les consulats d’Allemagne, de Pologne et d’Espagne à Mumbai, en Inde. Seul un nombre limité de manquements graves n’ont pas été résolus depuis le cycle d’évaluation précédent, tandis qu’un nombre important de problèmes persistants doivent encore être traités.
L’annexe 1 détaille davantage la mise en œuvre des activités d’évaluation et de contrôle, tandis que l’annexe 2 présente un inventaire des bonnes pratiques recensées lors des récentes évaluations Schengen.
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2.L’épine dorsale politique de Schengen: un cadre de gouvernance commun solide
La gestion des changements géopolitiques et des implications pour la liberté et la sécurité commence par un renouvellement de l’engagement en faveur de deux principes fondamentaux: la responsabilité partagée et la confiance mutuelle. La responsabilité partagée de préserver les droits et la sécurité de tous dans l’ensemble de l’espace Schengen. La confiance mutuelle entre les pays de l’espace Schengen dans le fait que chaque partie du système Schengen est gérée avec compétence et efficacité, conformément à des normes communes élevées.
Le tableau de bord Schengen pour 2024 met en évidence des asymétries dans la mise en œuvre des principales exigences de Schengen. Environ 65 % des recommandations émises dans le cadre du mécanisme d’évaluation et de contrôle Schengen n’ont pas encore été mises en œuvre. Les manquements persistants ont des conséquences opérationnelles importantes.
L’action politique visant à renouveler l’engagement en faveur d’une responsabilité partagée et d’une confiance mutuelle doit être soutenue par des actions décisives, tant au niveau politique qu’au niveau opérationnel, en vue d’une mise en œuvre rapide et efficace des règles de Schengen. Cela nécessite un cadre de gouvernance de Schengen solide assorti d’un contrôle, d’une coordination et d’une responsabilité politiques fortes.
Au cours de l’année écoulée, des progrès ont été accomplis pour consolider le cadre de gouvernance, qui était une priorité essentielle du cycle Schengen 2024-2025. En particulier, les outils améliorés de la Commission, notamment le baromètre Schengen + et le tableau de bord Schengen, ont contribué à favoriser, parmi les pays de l’espace Schengen, une compréhension partagée des questions clés qui nécessitent une action conjointe, à recenser les lacunes éventuelles dans la mise en œuvre et à combler l’écart entre les niveaux technique et politique. Cela a permis d’adopter une approche plus stratégique de la mise en œuvre et du suivi des activités d’évaluation et de contrôle de Schengen.
De nouvelles possibilités peuvent se présenter pour tirer pleinement parti de la coordination politique et du contrôle. Le Conseil Schengen, calqué sur le comité mixte institué en vertu des accords conclus avec les pays associés à l’espace Schengen, est chargé de fournir des orientations stratégiques sur les politiques qui ont une incidence sur le fonctionnement de Schengen. Complétant la formation «Affaires intérieures» du Conseil, le Conseil Schengen a pour objectif de créer un environnement ouvert propice à un dialogue étroit entre les décideurs de l’espace Schengen sur les politiques à mener.
Pour que le cadre de gouvernance soit réellement efficace, il est nécessaire de favoriser une compréhension approfondie des difficultés sur le terrain, d’améliorer le contrôle des vulnérabilités et des manquements persistants et d’assumer une plus grande responsabilité collective pour trouver des solutions efficaces. Coopération, actions décisives et mesures spécifiques sont nécessaires pour remédier aux lacunes persistantes et préserver l’intégrité des règles convenues d’un commun accord.
Le cycle Schengen 2025-2026 devrait privilégier une coordination des politiques et un processus décisionnel intégrés sur toutes les questions qui ont une incidence stratégique sur la liberté et la sécurité dans un espace sans frontières intérieures, en exploitant tout le potentiel du Conseil Schengen.
·La Commission soutiendra les efforts visant à renforcer davantage le contrôle politique exercé par le Conseil Schengen, en vue d’assurer une action plus coordonnée entre les États membres sur les questions ayant une incidence directe sur le fonctionnement de Schengen et de faciliter les discussions sur les défis communs.
·On peut améliorer la gestion quotidienne de l’espace Schengen en continuant à renforcer les outils communs qui permettent de détecter les vulnérabilités au sein de cet espace et d’y remédier rapidement et efficacement. La Commission élaborera le tableau de bord Schengen agrégé afin de mieux aider le Conseil Schengen à recenser les priorités essentielles pour combler les lacunes et pour prendre rapidement des mesures visant à atténuer les risques émergents.
La Commission est prête à travailler avec la présidence actuelle et les présidences à venir pour atteindre ces objectifs dans le cadre de la priorité 1 du cycle Schengen 2025-2026 exposée à la section 5.
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Les travaux du cycle Schengen 2025-2026 devraient également inclure des actions visant à renforcer les systèmes nationaux de gouvernance de Schengen tant dans les pays de l’espace Schengen que dans les pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne. La Commission organisera une série d’ateliers pour convenir de normes minimales afin que les États de l’espace Schengen puissent pleinement mettre en œuvre le système Schengen grâce à des structures politiques et administratives efficaces. Ces travaux s’appuieront sur les évolutions importantes et les structures de gouvernance établies dans le cadre de la gestion européenne intégrée des frontières. Cette approche réunira toutes les autorités compétentes.
Comme indiqué dans les évaluations Schengen, et forte de sa propre expérience, la Commission invite tous les pays de l’espace Schengen à désigner un coordinateur national chargé de superviser toutes les questions ayant une incidence sur le fonctionnement de Schengen, en veillant à ce que les responsabilités soient clairement réparties entre toutes les autorités concernées.
Le suivi de l’évaluation thématique 2019-2020 des stratégies nationales des États membres pour la gestion intégrée des frontières fait apparaître que tous les pays de l’espace Schengen ont engagé des processus nationaux de révision de leurs stratégies respectives. Dès la fin 2024, 12 pays de l’espace Schengen ont officiellement adopté les stratégies révisées et huit autres étaient sur le point de le faire. Les résultats montrent des améliorations notables, notamment des cadres de gouvernance plus solides et une meilleure intégration des procédures de retour dans les stratégies nationales. La plupart des pays de l’espace Schengen ont accompli des progrès en ce qui concerne la mise en adéquation de leurs stratégies avec les priorités de l’Union européenne, ce qui illustre les avancées réalisées en matière d’analyse des risques, de connaissance de la situation et de coopération avec l’Union.
Toutefois, des lacunes importantes persistent en matière de planification des ressources humaines, de coordination interservices et de modalités financières. Seuls quelques pays de l’espace Schengen sont parvenus à relier leurs stratégies à des plans d’action, à des analyses des besoins et à des cadres de financement. Les stratégies nationales n’intègrent toujours pas complètement les dispositions spéciales relatives aux garanties et aux formations en matière de droits fondamentaux. Dans le même temps, les obligations afférentes à la procédure de filtrage établie dans le pacte sur la migration et l’asile doivent être effectivement incorporées dans le système intégré plus large de gestion des frontièreset bien cadrer avec celui-ci. L’investissement dans le système de gouvernance pour la gestion européenne intégrée des frontières permettra d’asseoir une base solide pour l’établissement de cadres nationaux de gouvernance de Schengen robustes.
3.L’épine dorsale politique et réglementaire: un espace Schengen élargi et approfondi
3.1.Un espace Schengen élargi
L’espace Schengen, qui était à l’origine une initiative régionale associant quelques États membres de l’UE, est devenu, en 40 années, un projet véritablement européen. L’espace Schengen s’est élargi à neuf reprises pour créer ce qui est aujourd’hui le plus grand espace de libre circulation au monde sans contrôles aux frontières intérieures.
La Bulgarie et la Roumanie ont été pleinement intégrées dans l’espace Schengen le 1er janvier 2025. La décision du Conseil du 12 décembre 2024, qui fait suite à sa décision du 30 décembre 2023 sur le même sujet, a marqué l’achèvement d’un processus de 18 ans depuis que les deux pays sont devenus membres de l’espace Schengen à la suite de leur adhésion à l’Union européenne. En devenant membres à part entière de l’espace Schengen, la Bulgarie et la Roumanie devraient économiser des milliards d’euros, sachant qu’avec le maintien des frontières intérieures, les entreprises présentes dans ces deux pays dépensaient, d’après les estimations, des milliards chaque année en raison de l’augmentation des coûts logistiques, des retards ayant des répercussions sur les livraisons de biens et d’équipements et de la hausse des coûts pour le carburant et les conducteurs.
Chypre s’emploie à mettre en œuvre les recommandations de Schengen; sa première évaluation Schengen est en cours. La Commission soutient Chypre dans son processus d’intégration plus poussée dans le système Schengen.
L’Irlande est dispensée, à titre exceptionnel, de participer à toutes les dispositions du corpus réglementaire de Schengen. Compte tenu des avantages pour l’Irlande et l’espace Schengen dans son ensemble, et après que l’Irlande a été autorisée par le Conseil à participer à certains domaines
tels que le système d’information Schengen ainsi que la coopération policière et la coopération judiciaire en matière pénale, l’évaluation Schengen de ce pays fait actuellement l’objet d’un suivi. La Commission a l’intention de publier le rapport d’évaluation Schengen pour l’Irlande en 2025. S’il est positif, il permettra au Conseil de décider la mise en vigueur de ces dispositions en Irlande, ce qui accroîtra la coopération au titre de Schengen.
Alors que l’UE se prépare à un nouvel élargissement et que plusieurs pays candidats progressent dans leurs négociations d’adhésion respectives, l’espace Schengen devrait également s’étendre à ces pays, étant donné qu’ils seront tenus d’accepter et de mettre en œuvre le corpus réglementaire Schengen dès le jour de leur adhésion à l’UE. Un nouveau cadre transparent, efficient et efficace d’admission dans l’espace Schengen sera nécessaire pour faire face aux complexités induites par l’élargissement de cet espace et assurer un processus d’intégration bien préparé. S’appuyant sur les enseignements tirés du dernier élargissement de l’espace Schengen, le cadre doit fournir un processus prévisible et équitable permettant aux nouveaux pays de tirer progressivement avantage de leur participation à l’espace Schengen et, en fin de compte, d’atteindre la dernière étape, à savoir la suppression des contrôles aux frontières intérieures.
Ce processus nécessite un contrôle rigoureux à toutes les étapes pour veiller à ce que les nouveaux pays de l’espace Schengen respectent en permanence les normes élevées appliquées par les pays qui en font déjà partie dans tous les domaines nécessaires à la suppression, à terme, des contrôles aux frontières intérieures. Dans un premier temps, au cours des négociations d’adhésion, ces pays devront continuer à œuvrer à l’adoption des normes juridiques, opérationnelles et de gouvernance qui sont nécessaires pour ancrer le système Schengen dans un cadre de gouvernance national qui soit pleinement opérationnel au moment où ils rejoindront l’Union. Cela nécessite une préparation solide, notamment la mise en œuvre d’un plan d’action Schengen national, comme indiqué dans la communication de 2024 sur la politique d’élargissement de l’UE
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3.2.Approfondir Schengen pour l’adapter à l’ère numérique
L’UE fait actuellement évoluer le mode de gestion des frontières en passant de vérifications aux frontières principalement physiques à un système plus moderne et numérique de gestion des frontières. Il est nécessaire d’accélérer la numérisation du cadre Schengen afin d’améliorer la sécurité des citoyens, de renforcer les frontières extérieures et la coopération en matière répressive, ainsi que de faciliter les déplacements effectués de bonne foi à destination de l’espace Schengen et la libre circulation en son sein, tout en garantissant la protection des droits fondamentaux et des normes de sécurité.
Dans le cadre des efforts déployés pour faire de l’espace Schengen la norme de référence à l’échelle mondiale pour ce qui est de faciliter des déplacements fluides et sûrs, les nouvelles règles
régissant l’utilisation efficiente des informations concernant les voyages («informations préalables sur les passagers») par les autorités frontalières et les services répressifs sont entrées en vigueur en janvier 2025. Il s’agit d’une étape importante vers une sécurité accrue qui ne compromet pas l’expérience de voyage tout en respectant les droits en matière de protection des données et de respect de la vie privée. En 2025, la Commission a l’intention de lancer une évaluation des règles régissant l’utilisation des données des dossiers passagers afin d’en analyser l’efficacité et l’efficience.
La numérisation des procédures aux frontières extérieures de l’UE est un élément essentiel pour faire face aux risques en matière de sécurité. En décembre 2024, la Commission a présenté une proposition établissant la mise en service progressive du système d’entrée/de sortie. Cette proposition permet aux pays de l’espace Schengen de déployer progressivement le système d’entrée/de sortie à leurs frontières extérieures sur une période de six mois, leur offrant, ainsi qu’à l’agence eu-LISA, une certaine souplesse et des outils pour remédier aux problèmes qui subsistent avant le déploiement complet du système. La Commission invite les colégislateurs à faire en sorte de conclure rapidement les négociations et d’adopter la proposition dans les meilleurs délais. Les préparatifs du déploiement du système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages doivent être promptement menés à bien, étant donné qu’un certain nombre de pays de l’espace Schengen rencontrent des difficultés dans la mise en œuvre des mesures requises.
La Commission invite le Parlement européen et le Conseil ainsi que les autorités des États membres et l’eu-LISA à veiller à ce que ces innovations majeures soient pleinement opérationnelles et respectent le nouveau calendrier adopté par le Conseil Schengen en mars 2025.
Alors que ces systèmes amélioreront considérablement la sécurité et l’efficience des déplacements, la proposition de la Commission sur la numérisation des documents de voyage, présentée en octobre 2024, s’inscrit dans un engagement plus large en faveur de l’innovation numérique au profit des voyageurs. Cette initiative a pour objet l’établissement d’une norme commune pour les documents de voyage numériques et l’introduction d’une application mobile à l’échelle de l’UE afin de contribuer à rationaliser les vérifications aux frontières et de permettre à tous les voyageurs de vivre une expérience de voyage sans heurts. Le Parlement européen et le Conseil négocient actuellement pour faire de cette ambition une réalité. Des travaux sont également en cours pour moderniser les procédures de visa afin que les ressortissants de pays tiers bénéficient également d’une procédure de demande de visa plus efficiente et plus sûre. À la suite de la proposition de la Commission sur les visas numériques, les procédures législatives se sont conclues par l’adoption d’instruments législatifs en 2023. Les actes d’exécution s’y rapportant sont actuellement en cours d’examen, l’objectif étant de commencer à développer la plateforme de l’UE pour les demandes de visa en 2026 en vue de sa mise en service et de l’introduction du visa numérique en 2028.
Alors que les transformations technologiques et sociales connaissent un rythme inégalé – inimaginable au moment de la création de l’espace Schengen – ce dernier doit s’adapter pour conserver son avance. Les technologies émergentes et les solutions numériques seront déterminantes pour transformer la gestion des frontières et permettre la détection précoce des menaces. Il faudrait continuer à investir dans la recherche et le développement des futures technologies européennes de sécurité et de gestion des frontières , afin de protéger l’espace Schengen en utilisant à l’avenir des solutions européennes de pointe. Cela nécessitera de nouer des partenariats plus étroits, notamment avec les pays associés à l’espace Schengen et avec les parties prenantes publiques et privées, telles que les chercheurs, entrepreneurs, entreprises innovantes ou organismes de recherche et de technologie. Ces travaux doivent être complétés par une préparation renforcée grâce à des systèmes avancés de détection des menaces, à une surveillance continue des infrastructures critiques et à l’établissement de protocoles de réaction en temps réel. Ces mesures sont nécessaires pour gérer la menace croissante que représentent les atteintes à la cybersécurité, y compris dans les agences de l’UE et dans les systèmes de données liés aux frontières.
3.3.Approfondir Schengen pour l’adapter à l’évolution du paysage sécuritaire
Le 1er avril 2025, la Commission a adopté ProtectEU: une nouvelle stratégie européenne de sécurité intérieure, qui définit les travaux visant à renforcer l’appareil de sécurité de l’UE dans les années à venir et à intégrer des considérations de sécurité dans l’ensemble de la législation, des politiques et des programmes de l’Union. Des efforts similaires doivent être faits à l’échelle nationale car les évaluations Schengen de 2024 ont révélé une lacune persistante dans l’approche stratégique de la sécurité intérieure. Les autorités nationales continuent de fonctionner de manière cloisonnée en mettant en œuvre des mesures ad hoc sans avoir d’approche européenne globale. Cela empêche les pays de l’espace Schengen de définir des priorités nationales, de disposer d’une planification stratégique des capacités et de concevoir des mesures transfrontières et complémentaires à tous les niveaux (national, régional et local). Garantir la sécurité intérieure dans un espace dépourvu de contrôles aux frontières intérieures nécessite donc une approche qui favorise une coopération plus approfondie et plus structurée entre les services répressifs nationaux et au niveau européen, y compris en ce qui concerne la gouvernance.
Comme annoncé dans la stratégie de sécurité intérieure, afin de soutenir les discussions avec les États membres au sein du Conseil sur l’évolution des défis en matière de sécurité intérieure et d’échanger sur les principales priorités d’action, la Commission établira et présentera des analyses régulières des menaces pour faire face aux défis en matière de sécurité intérieure de l’UE. Afin de soutenir l’ensemble des travaux concernant l’amélioration de la connaissance de la situation, il est essentiel que les États membres renforcent le partage de renseignements grâce à la capacité unique d’analyse du renseignement (SIAC) et veillent à un meilleur partage d’informations avec les organismes et organes de l’UE.
Afin de faire face à l’évolution des défis en matière de sécurité de façon plus coordonnée, plus cohérente et plus efficace, une coopération opérationnelle transfrontière des services répressifs est essentielle. Les contraintes juridiques et territoriales persistantes recensées dans l’évaluation, en 2024, par la Commission des recommandations du Conseil relatives à la coopération opérationnelle des services répressifs continuent d’entraver l’efficacité de la coopération opérationnelle entre lesdits services. Comme annoncé dans la stratégie européenne de sécurité intérieure, la Commission s’emploiera à créer un groupe de haut niveau sur l’avenir de la coopération opérationnelle des services répressifs, chargé d’élaborer une vision stratégique commune et de proposer des solutions concrètes pour combler les lacunes juridiques, améliorer l’échange d’informations et assurer un niveau élevé de sécurité intérieure dans l’ensemble de l’espace Schengen.
L’un des défis auxquels se heurtent les services répressifs est d’assurer un accès légal aux données. Il est essentiel de trouver un équilibre entre la sécurité et la vie privée pour préserver à la fois la liberté et la sécurité. S’appuyant sur les recommandations adoptées en mai 2024 par le groupe de haut niveau sur l’accès aux données à des fins répressives et comme annoncé dans la stratégie européenne de sécurité intérieure, la Commission présentera, au cours du premier semestre de 2025, une feuille de route exposant les mesures juridiques et pratiques qu’elle propose de prendre afin d’assurer un accès licite et effectif aux données.
Enfin, il est nécessaire de mettre à jour le cadre juridique pour lutter contre le trafic de migrants. La Commission invite instamment le Parlement européen et le Conseil à achever rapidement les négociations visant à renforcer le rôle d’Europol dans la lutte contre le trafic de migrants. Dans l’intervalle, les travaux se poursuivront pour la mise à niveau des outils déjà disponibles. En janvier 2025, la Commission a soutenu le lancement d’un réseau professionnel d’enquêteurs sur le trafic de migrants en ligne, géré par le centre européen chargé de lutter contre le trafic de migrants, créé par Europol, et par l’unité de l’UE chargée du signalement des contenus sur Internet. Ce réseau contribuera à déstabiliser les groupes criminels sévissant en ligne. La deuxième conférence internationale sur le trafic de migrants évaluera les progrès accomplis et mènera de nouvelles actions en faveur de la consolidation des travaux de l’alliance mondiale pour lutter contre le trafic de migrants.
Des initiatives similaires, axées sur la sensibilisation aux facteurs à l’origine du trafic de drogue, ont été mises en œuvre en réaction à cette menace croissante. La coopération entre parties prenantes publiques et privées est essentielle pour lutter contre l’utilisation abusive du transport commercial, comme le prône l’alliance des ports européens. Cette dernière initiative s’inscrira dans la future stratégie portuaire de l’UE que la Commission prévoit d’adopter en 2025 et, comme annoncé dans la stratégie européenne de sécurité intérieure, elle sera étendue aux ports de petite taille et aux ports intérieurs.
4.L’épine dorsale opérationnelle de Schengen: mise en œuvre
Le succès réel de Schengen dépend fondamentalement de la mise en œuvre efficace du système par les milliers d’autorités actives sur le terrain, dont plusieurs agences de l’UE. Seule une action cohérente, de qualité et coordonnée permettra de traduire concrètement les engagements des pouvoirs publics. Le cadre opérationnel de Schengen, qui est appuyé par les garde-frontières, les agents des services répressifs et les autorités chargées de l’immigration, est essentiel pour faire de la vision ambitieuse de Schengen un réel atout stratégique. Les activités d’évaluation et de contrôle de Schengen menées en 2024 ont permis de mettre en évidence que, si les fondements de Schengen restent solides, certaines lacunes persistent dans des domaines critiques. Une action de suivi ciblée s’impose donc pour éviter que ces lacunes ne compromettent l’intégrité et la sécurité globale de l’espace Schengen.
4.1.Renforcer la préparation bien au-delà de nos frontières
Schengen profite principalement aux citoyens et résidents européens en ce qu’il rend plus aisée la liberté de circuler dans l’espace sans contrôles aux frontières intérieures qu’est l’espace Schengen. Ces avantages s’étendent également à tous les ressortissants de pays tiers qui vivent légalement sur le territoire d’un pays de l’espace Schengen.
En 2024, le nombre total de voyageurs réguliers de bonne foi – c’est-à-dire entrés avec un visa Schengen ou en bénéficiant d’un régime d’exemption de visa – a dépassé le demi-milliard. Pour les séjours de courte durée, les ressortissants de pays tiers peuvent accéder à l’espace Schengen par l’intermédiaire d’un système de visa Schengen unifié, sauf s’ils peuvent bénéficier d’un régime d’exemption de visa. Ce système, parallèlement au système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages qui doit être mis en œuvre en 2026, assure des procédures normalisées de contrôle aux frontières, de sécurité et d’entrée pour les séjours de courte durée dans tous les pays de l’espace Schengen, renforçant ainsi la cohérence et l’efficience de la gestion de la mobilité interne et des entrées et sorties externes. Il s’agit de notre première ligne de défense.
Le niveau de mise en œuvre des règles communes en matière de visas est élevé, comme ont permis d’en juger les activités d’évaluation et de contrôle de Schengen menées en 2024. Plusieurs pays de l’espace Schengen ont rapidement remédié aux manquements tenant à l’efficacité des flux de travail dans les consulats traitant les demandes de visa Schengen ou à leur système informatique de traitement des demandes de visa. Toutefois, certaines améliorations sont encore nécessaires dans les pays qui traitent les volumes les plus élevés de demandes de visa Schengen de court séjour afin que le grand nombre de demandes puisse être géré efficacement.
Les pays du monde entier reconnaissent les avantages substantiels des droits et libertés associés à Schengen, lesquels sont indispensables à la connectivité et à la coopération mondiales. L’UE doit continuer à promouvoir des normes mondiales élevées en ce qui concerne la gestion des frontières, la coopération en matière répressive et l’échange d’informations, tout en assurant une protection solide des droits fondamentaux.
Pour aller de l’avant, l’approfondissement des relations avec les pays partenaires de notre voisinage et au-delà doit s’accompagner d’un engagement sans équivoque de respecter nos normes élevées et nos valeurs communes. Les pays tiers qui remplissent les conditions pour que leurs ressortissants jouissent d’un accès à l’Union sans obligation de visa ou qui bénéficient de relations privilégiées dans le cadre de Schengen doivent non seulement en récolter les bénéfices, mais aussi respecter ces engagements fondamentaux. Pour ce faire, il est nécessaire de renforcer le contrôle et l’obligation de rendre des comptes. La nouvelle stratégie de la Commission en matière de visas, qui devrait être adoptée dans le courant de l’année 2025, examinera le rôle de la politique des visas en tant que moteur de la compétitivité et en tant que levier pour renforcer la sécurité intérieure de l’Union et améliorer la coopération avec les pays tiers, y compris en matière de réadmission. Dans cette stratégie seront également envisagées des mesures visant à faciliter la venue des meilleurs étudiants et chercheurs ainsi que des travailleurs les plus qualifiés en provenance de pays tiers pour soutenir l’union des compétences.
Le renforcement de la cohésion et de l’intégration avec les pays candidats à l’adhésion à l’UE est l’occasion de partager des expériences et de faire connaître des valeurs et des normes fondamentales à nos voisins. Ces dernières années, Frontex a renforcé son soutien aux pays candidats. L’UE a négocié des accords sur le statut avec l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Moldavie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie. En 2024, Frontex a étendu sa présence jusqu’à la frontière entre le Monténégro et l’Albanie. Ces accords permettent d’étendre une ligne de gestion des frontières d’une importance cruciale au-delà des propres frontières extérieures de l’UE, contribuant ainsi à parer aux risques potentiels avant qu’ils n’atteignent l’UE.
En 2024, les pays candidats ont pris des mesures pour se mettre en conformité avec les exigences de Schengen, y compris des mesures visant à préserver des normes élevées en matière de gestion des frontières, à harmoniser les politiques en matière de visas, à lutter contre la criminalité organisée, le terrorisme et les menaces hybrides, et à instaurer une coopération en matière répressive. Le plan d’action de l’UE concernant les Balkans occidentaux a permis de réaliser des progrès concrets en matière de gestion des migrations. Toutefois, les progrès restent inégaux et des mesures supplémentaires sont nécessaires en ce qui concerne l’harmonisation de la politique en matière de visas et la création d’un cadre national de gouvernance de Schengen. Le Monténégro et la Serbie ont pris des mesures positives en vue d’établir un plan d’action Schengen. La Commission suit de près tous les pays candidats à l’adhésion à l’UE. Les autorités de ces pays seront progressivement intégrées dans les activités liées à Schengen; elles seront notamment associées à des activités de formation et de contrôle.
L’élargissement implique également de se préparer à de nouveaux défis géopolitiques en matière de gestion des frontières et de menaces pour la sécurité. La Commission donnera la priorité à ces travaux dans le cadre de son réexamen des politiques, en mettant l’accent sur la mise en place d’un système dynamique pleinement équipé pour faire face aux besoins et aux configurations futurs.
Les pays partenaires cherchent à approfondir leurs liens avec les États membres au sein de l’espace Schengen dans le but de nouer une relation privilégiée en matière de gestion des frontières et de sécurité, assortie d’avantages tangibles pour leurs citoyens et favorisant des contacts interpersonnels plus étroits grâce à la facilitation des déplacements effectués de bonne foi et de la migration légale. Frontex négocie actuellement avec près de 20 pays tiers des arrangements de travail qui pourraient englober le partage d’informations via le système Eurosur et des dispositifs d’analyse des risques. Afin de renforcer encore la sécurité de l’espace Schengen, Europol et les États membres de l’UE ont intensifié ces dernières années les travaux pour améliorer la transmission et le traitement des informations provenant des pays tiers clés. Grâce à cette approche, les données pertinentes, en particulier celles qui concernent les personnes soupçonnées de terrorisme, sont traitées et communiquées efficacement afin de contribuer à la détection et à la prévention des menaces pour la sécurité aux frontières extérieures de l’UE.
La Commission se félicite de l’aboutissement des négociations en vue d’accords entre l’UE et, respectivement, l’Islande et la Norvège portant sur l’utilisation des données des dossiers passagers. Les règles ne font pas formellement partie du cadre juridique de Schengen, mais une fois entrées en vigueur, elles permettront à ces pays de l’espace Schengen de transférer et de traiter ce type de données, améliorant ainsi considérablement la capacité de l’espace Schengen à lutter contre le terrorisme et les formes graves de criminalité.
Le cycle Schengen 2025-2026: une coordination plus étroite de l’action extérieure de Schengen
La dimension mondiale de Schengen joue également un rôle crucial dans la lutte contre les tactiques de déstabilisation, comme celles auxquelles la Russie a recours, utilisées dans le monde entier, en particulier dans les situations de rivalité géopolitique. Le cadre Schengen permet à l’UE d’agir de manière collective, par exemple en prenant des mesures au titre du mécanisme de suspension de l’exemption de visa et en mutualisant les ressources, notamment celles des agences de l’UE, pour contrer les menaces graves. Dans le même temps, l’UE peut s’engager à adopter une approche coordonnée à l’égard des pays tiers, y compris en ce qui concerne les procédures d’autorisation d’entrée dans l’espace Schengen.
En 2024, la Commission a analysé la mise en œuvre des lignes directrices publiées le 30 septembre 2022 concernant la délivrance de visas en général aux demandeurs russes. L’évaluation montre que l’action commune a entraîné une diminution globale importante du nombre de visas Schengen délivrés aux ressortissants russes, qui est passé de plus de 4 millions de visas en 2019 à 0,5 million en 2023. Toutefois, des pratiques divergentes subsistent entre les pays de l’espace Schengen, ce qui pourrait mettre en péril la sécurité de l’UE. Certains pays continuent de délivrer un grand nombre de visas touristiques aux ressortissants russes, ce qui compromet les efforts collectifs visant à renforcer la sécurité. Par conséquent, il est essentiel de donner la priorité à la mise en œuvre cohérente d’une action coordonnée à l’égard de pays tiers dans l’ensemble des pays de l’espace Schengen, comme l’a constaté le Conseil Schengen en mars 2025.
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4.2.Renforcement de la sécurité des personnes grâce à une gestion rigoureuse des frontières et à des retours plus efficaces
Une gestion européenne intégrée des frontières de qualité est la pierre angulaire du succès de l’espace Schengen. En 2024, l’espace Schengen a de nouveau été la destination la plus visitée au monde, avec 40 % des voyageurs internationaux se présentant à ses frontières extérieures. Ce volume important de voyageurs a été géré efficacement grâce au travail quotidien de plus de 120 000 garde-frontières et garde-côtes européens, bien que la lourde charge de travail pose des défis majeurs aux autorités.
Dans le même temps, les conflits géopolitiques et ceux liés à la sécurité, y compris les tactiques visant à instrumentaliser les migrations à des fins politiques, ont été un facteur de flux migratoires, ce qui a compliqué encore davantage la gestion des frontières extérieures de Schengen. L’intensification des efforts de l’UE, par exemple grâce au renforcement des partenariats avec les pays tiers, a entraîné une réduction sensible du nombre de franchissements irréguliers des frontières. Quelque 240 000 détections ont été enregistrées en 2024, soit le niveau le plus bas depuis 2021.
Franchissements irréguliers des frontières à destination de l’UE (Frontex)
Outre la question d’un flux élevé de voyageurs, y compris de voyageurs qui tentent de contourner les conditions d’entrée, les frontières extérieures de l’UE sont exposées à des menaces croissantes et plus complexes pour la sécurité. La violence qui règne actuellement au Sahel provoque des déplacements et crée un terreau fertile permettant aux groupes terroristes de renforcer leurs réseaux, les mercenaires russes pouvant exacerber l’engrenage de la violence et faciliter les efforts de recrutement des djihadistes. De même, les crises régionales à l’extérieur de l’UE ont un effet d’entraînement et donnent aux acteurs terroristes, quelle que soit leur idéologie, de nouvelles raisons de recruter, de mobiliser ou de renforcer leurs capacités. Si ces menaces semblent actuellement de nature plus locale ou régionale, elles appellent toujours une vigilance étroite aux frontières extérieures afin d’empêcher le retour dans l’UE des combattants terroristes étrangers et d’atténuer le risque de terrorisme. Les frontières extérieures restent également vulnérables à la contrebande de marchandises illicites, telles que les drogues et les armes à feu, qui peuvent alimenter la criminalité organisée.
La gestion des frontières extérieures de l’UE relève de la responsabilité partagée des pays de l’espace Schengen et de l’UE. Conformément à son mandat, Frontex continue d’apporter un soutien essentiel à la gestion des frontières avec plus de 2 600 agents du contingent permanent et des moyens techniques déployés dans les États de l’espace Schengen et dans les pays tiers. En 2024, Frontex a commencé à déployer son nouveau concept opérationnel et sa nouvelle structure de commandement, qui permettront aux déploiements d’agir plus rapidement et avec plus de souplesse en réaction à la situation opérationnelle. Forte des progrès substantiels accomplis ces dernières années et afin de répondre aux besoins permanents, la Commission s’emploiera à renforcer l’Agence, notamment en la dotant de technologies de pointe pour les besoins de la surveillance et de la connaissance de la situation. Dans ce contexte, il est essentiel que les pays de l’espace Schengen continuent de contribuer en temps utile au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, notamment en personnel et en moyens. En outre, afin d’améliorer encore la sécurité des frontières et de consolider la coopération de l’UE face à l’évolution des menaces, la Commission proposera l’année prochaine de renforcer Frontex.
En plus de veiller à ce que Frontex soit dotée des ressources dont elle a besoin pour soutenir les opérations conjointes sur le terrain, il est essentiel que les pays de l’espace Schengen intensifient leurs efforts car des lacunes importantes subsistent dans la mise en œuvre des pratiques de gestion des frontières.
Ces lacunes pèsent particulièrement sur les vérifications aux frontières. Les évaluations Schengen montrent que près de la moitié des pays de l’espace Schengen présentent des lacunes en matière de ressources humaines, de formation, de mise en œuvre des procédures de vérification aux frontières et de problèmes techniques qui nuisent à la fonctionnalité des équipements informatiques, en particulier lorsqu’ils utilisent le système d’information Schengen. La persistance de ces manquements représentant une faille de sécurité pour l’espace Schengen, la Commission collaborera avec les pays de l’espace Schengen pour examiner les raisons de ces progrès insuffisants. Lors du cycle Schengen 2025-2026, la Commission rendra compte au Conseil Schengen des progrès accomplis dans ce domaine.
En ce qui concerne la surveillance des frontières, certains pays de l’espace Schengen exposés à des menaces accrues pour la sécurité en raison du risque élevé de trafic de drogue en provenance de pays tiers et de l’augmentation des flux migratoires présentent des défaillances majeures. Ces vulnérabilités touchent principalement la surveillance des frontières maritimes. Au cours de l’année écoulée, l’UE a alloué 378 millions d’euros supplémentaires au titre de l’instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas afin d’aider les pays de l’espace Schengen à renforcer leurs infrastructures et leurs capacités de surveillance des frontières. La Commission invite les pays de l’espace Schengen à accélérer leur action pour faire en sorte que les fonds soient affectés aux secteurs dont les besoins sont les plus urgents, et à optimiser l’utilisation des technologies disponibles.
Une gestion plus efficace des frontières extérieures doit s’accompagner de mesures efficaces permettant de renvoyer les personnes n’ayant pas le droit de séjourner légalement dans les États membres. Les voyageurs entrant pour de courts ou de longs séjours doivent satisfaire à toutes les exigences de sécurité et exécuter avec diligence l’obligation de quitter l’espace Schengen dans les délais impartis. Au cas où des voyageurs ne respecteraient pas cette obligation, l’espace Schengen dispose d’un ensemble de règles minimales communes régissant le retour des personnes n’ayant pas le droit de séjourner, y compris des personnes qui contournent les procédures légales d’entrée. Une fois opérationnel, le système d’entrée/de sortie renforcera le contrôle de l’application de la législation en améliorant la détection des personnes ayant dépassé la durée de validité de leur visa, ces dernières représentant une part importante des voyageurs qui n’ont pas le droit de séjourner et qui devraient faire l’objet d’une mesure de retour.
En 2024, on a dénombré près de 123 400 retours effectifs, soit une augmentation de près de 12 % par rapport à 2023,, ce qui représente une contribution substantielle grâce à la nette augmentation du soutien de Frontex. Cette année-là, Frontex a aidé les pays de l’espace Schengen à renvoyer plus de 56 000 personnes, soit une augmentation de 43 % par rapport à l’année précédente. Les retours volontaires ont également continué d’augmenter, passant de 54 % en 2023 à 64 % en 2024.
Malgré cette tendance positive, l’efficacité des systèmes nationaux de retour reste un défi de taille dans l’ensemble de l’espace Schengen, puisque seule une personne sur cinq faisant l’objet d’une décision de retour s’exécute effectivement. Au moins la moitié de tous les pays de l’espace Schengen rencontrent encore de graves difficultés dans l’exécution des retours, difficultés qui sont particulièrement prononcées dans les pays où le nombre de dossiers de retour est plus élevé.
L’utilisation de signalements communs dans le système d’information Schengen pour les ressortissants de pays tiers tenus de quitter l’espace Schengen a contribué à rendre les retours plus efficaces et s’est traduite par des améliorations notables en matière de coordination et de partage d’informations. Toutefois, le système demeure sous-utilisé en tant qu’outil commun pour identifier les personnes et soutenir les efforts en matière de retour, puisque, dans plusieurs pays de l’espace Schengen, le nombre de signalements créés concernant un retour est inférieur de 60 % au nombre de décisions de retour rendues. Cela signifie que des personnes soumises à un retour peuvent avoir pris la fuite, mais que le système ne contient aucune information à cet égard permettant d’assurer leur retour. En outre, en 2024, certains pays de l’espace Schengen n’ont inclus les empreintes digitales dans aucun signalement de retour, et nombreux sont ceux qui n’ont pas inclus de documents d’identité ni de photographies, même lorsqu’ils étaient disponibles. Cette situation exige une action urgente au niveau national.
Afin de relever les défis particuliers posés par les ressortissants de pays tiers qui représentent une menace pour la sécurité, le coordinateur de l’UE chargé des retours, s’appuyant sur les pratiques des États membres, a fourni des orientations sur l’utilisation des signalements concernant des retours dans le système d’information Schengen et sur le «signalement de sécurité».
Évaluation thématique de 2024 pour des retours plus efficaces
Afin de soutenir le système européen de retour, la Commission a procédé à une évaluation thématique Schengen sur l’efficacité du système de retour. Cette évaluation a permis de constater les progrès accomplis dans le développement des systèmes nationaux de retour, mais elle a également mis en évidence la complexité de la situation, les cadres et procédures juridiques variant selon le pays de l’espace Schengen concerné, ce qui affaiblit l’efficacité globale de l’UE.
L’évaluation a mis en évidence trois problèmes principaux. Premièrement, l’absence d’analyse des risques pour anticiper les fluctuations du nombre de dossiers de retour empêche les autorités nationales de prendre des mesures de préparation, y compris une planification intégrée des ressources, en particulier pour la planification des mesures d’urgence. Deuxièmement, les pays de l’espace Schengen ont des difficultés à assurer un processus de retour sans heurts en raison de manques d’efficience à des étapes clés, notamment le système de recours, l’identification effective avant le retour et le contrôle suffisant du respect d’une obligation de retour. Troisièmement, la mise en œuvre opérationnelle, par toutes les autorités nationales, des signalements concernant les retours au sein du système d’information Schengen doit être améliorée afin que la prise de décision soit plus efficace dans les procédures de retour.
Pour relever ces défis, les pays de l’espace Schengen peuvent s’appuyer sur toute une série de bonnes pratiques recensées. Par exemple, certains pays (Pays-Bas, Norvège) ont mis en place des cycles intégrés de planification et de contrôle pour toutes les autorités participant au processus de retour, ce qui permet une coordination régulière et assure une affectation optimale des ressources. En outre, l’utilisation d’outils informatiques de gestion des dossiers permettant l’échange d’informations en temps réel entre les différentes autorités s’est révélée bénéfique (Autriche, Estonie, Pays-Bas et, Norvège). Tout aussi importantes sont les pratiques, adaptées aux besoins particuliers des personnes faisant l’objet d’une mesure de retour (Autriche, Bulgarie, Norvège, Pays-Bas), qui donnent la priorité aux conseils en matière de retour en tant qu’étape essentielle de chaque procédure de retour et qui peuvent considérablement améliorer l’efficacité globale des retours.
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Le statu quo n’est plus une option. La Commission a donc proposé un nouveau cadre juridique pour les retours et invite les colégislateurs à faire rapidement avancer les négociations. Il est temps d’aller au-delà des solutions fragmentées et de progresser dans la reconnaissance et l’exécution des décisions rendues par les différents pays de l’espace Schengen, parallèlement à la mise en commun des ressources nationales et européennes nécessaires d’une manière qui profite à tous, en reconnaissant les atouts de chacun pour contribuer à l’intérêt général européen. Dans l’attente d’un accord et de l’application du nouveau cadre législatif sur les retours, la Commission invite les pays de l’espace Schengen à mettre en œuvre sans tarder les recommandations formulées dans le cadre de l’évaluation thématique afin d’utiliser au mieux les cadres existants et d’obtenir des résultats meilleurs et plus rapides.
4.3.Un niveau élevé d’action coordonnée au sein de l’espace Schengen
Un niveau élevé de connaissance de la situation, en particulier aux frontières extérieures, est une condition préalable fondamentale à la préparation dans un paysage sécuritaire en évolution. Le cadre de l’UE offre déjà des outils solides pour la connaissance de la situation et l’analyse des risques, tels qu’Eurosur, conçu pour améliorer la gestion des frontières extérieures en intégrant des informations aux niveaux national et de l’UE, y compris l’imagerie satellitaire, les systèmes d’information et les applications de transmission d’informations, afin de mieux connaître la situation aux frontières de l’UE. Toutefois, quelque 50 % des pays de l’espace Schengen sont toujours en proie à des défaillances majeures, souvent liées à un manque de personnel formé et à une coopération interservices insuffisante, ce qui réduit le potentiel de ces outils. Afin de remédier aux défaillances constatées et de fournir aux pays de l’espace Schengen et à Frontex des orientations pratiques sur la mise en œuvre et la gestion d’Eurosur, la Commission a adopté en janvier 2025 une recommandation établissant le guide pratique Eurosur.
Dans le cadre du cycle Schengen 2025-2026, il est nécessaire de s’appuyer sur les efforts existants et de garder une longueur d’avance sur les menaces émergentes en maintenant une compréhension claire de l’évolution de la situation sur le terrain. Cela nécessite de faire une utilisation optimale des outils disponibles, tels qu’Eurosur, et de mettre en œuvre une approche analytique plus solide et plus intégrée, avec la participation active des agences de l’UE.
L’échange rapide et efficace d’informations entre les services répressifs reste l’un des outils les plus efficaces pour prévenir et combattre la criminalité. Fin 2024, tous les pays de l’espace Schengen étaient tenus de transposer les nouvelles règles de la directive relative à l’échange d’informations dans leurs systèmes nationaux afin d’assurer une communication fluide et coordonnée. Onze pays de l’espace Schengen n’ont pas encore notifié la transposition de cette directive, tandis que sept n’en ont notifié qu’une transposition partielle. Plusieurs pays n’ont pas encore créé de point de contact unique opérationnel connecté à un système interopérable de gestion des dossiers. Ces retards mettent tout le monde en danger. Il est urgent que tous les pays achèvent la mise en œuvre sur les plans juridique et technique afin que les services répressifs puissent échanger rapidement des informations.
Les fonctionnalités améliorées des systèmes d’information à grande échelle, en particulier le système d’information Schengen, n’ont pas encore pleinement atteint leur plein potentiel en matière de renforcement de la sécurité. En outre, de nombreux États de l’espace Schengen continuent de rencontrer des difficultés dans la mise en œuvre de fonctionnalités critiques aux frontières extérieures, telles que les recherches d’empreintes digitales lorsqu’ils utilisent le système d’information sur les visas. Ces difficultés, dues en grande partie à des ressources insuffisantes, impliquent que ces outils sont largement sous-utilisés et que de graves failles de sécurité subsistent. Faute d’investissements ciblés et d’un engagement ferme à rendre pleinement opérationnels le système d’information Schengen et le système d’information sur les visas, leur potentiel à servir de pilier solide et fiable de la sécurité demeure inexploité.
En plus de faire de l’échange continu d’informations une réalité, et afin de compléter nos mesures aux frontières extérieures, il est indispensable de mener une coopération opérationnelle transfrontière en matière répressive qui soit structurée et efficace.
Les discussions menées par le coordinateur Schengen dans le cadre du cycle Schengen 2023-2024 ainsi que les récentes inspections d’évaluation Schengen dans certains pays de l’espace Schengen (Tchéquie, Croatie, Hongrie et Slovaquie) ont permis de mettre en évidence l’amélioration sensible de la coopération transfrontière, en particulier dans les zones régionales et frontalières, au cours de l’année écoulée. En 2024, plusieurs accords bilatéraux et multilatéraux ont été renouvelés, qui visent à aider les autorités à traduire ces objectifs de coopération en actions sur le terrain et qui prévoient notamment des dispositions relatives à l’exercice de pouvoirs de police et d’autres prérogatives de puissance publique dans les régions frontalières, comme le prévoit le code frontières Schengen révisé.
Au cours de l’année écoulée, la priorité a également été accordée à la mise en place d’outils plus stratégiques qui adoptent une «approche axée sur l’ensemble de la route», allant au-delà de la gestion des risques immédiats qui se concrétisent dans les régions frontalières intérieures pour contrer les menaces aux frontières extérieures. En 2024, l’initiative régionale Schengen entre l’Autriche, la Bulgarie, la Grèce, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie a encore été renforcée. Elle comprend désormais des mesures concernant la frontière entre la Bulgarie et la Turquie aux fins d’une prévention plus efficace des menaces avant que celles-ci n’atteignent l’espace Schengen. De même, la Croatie, l’Italie et la Slovénie devraient mettre en œuvre des patrouilles communes le long de leur frontière avec la Bosnie-Herzégovine, renforçant ainsi la coopération régionale.
Ces évolutions positives confirment le potentiel que recèlent la recommandation (UE) 2022/915 du Conseil du 9 juin 2022 relative à la coopération opérationnelle des services répressifs et les recommandations de la Commission du 23 novembre 2023 relatives à des mesures de substitution aux contrôles aux frontières intérieures. Les pays de l’espace Schengen ont conjointement développé de nombreuses nouvelles pratiques, parmi lesquelles les commissariats de police communs et les analyses de risques conjointes transfrontalières régulières afin de mieux adapter les opérations conjointes. En outre, plusieurs pays mettent en place la procédure de transfert introduite par le code frontières Schengen révisé, qui vise à faciliter le transfert direct de migrants en situation irrégulière aux frontières intérieures et dont les modalités sont actuellement définies pour en assurer l’application pratique. La Commission invite les pays de l’espace Schengen à collaborer étroitement avec leurs voisins, en particulier lorsque les contrôles ont été réintroduits le long de la frontière intérieure, à développer de nouvelles initiatives de coopération et à permettre aux voyageurs de franchir les frontières intérieures sans heurts.
Dans le même temps, la coopération opérationnelle des services répressifs recèle un potentiel encore inexploité car les approches nationales varient sensiblement et ne sont pas toujours pensées et mises en œuvre de manière stratégique. Si de nouvelles initiatives et pratiques ont été mises au point, elles ne sont pas uniformément reproduites dans l’ensemble de l’espace Schengen et, dans de nombreux cas, elles ne sont pas considérées comme faisant partie de l’ensemble des outils de sécurité de Schengen. Il existe un intérêt commun à renforcer les efforts nationaux et à tirer pleinement parti des avantages d’une coopération plus étroite. Cela contribuera également à remédier aux perturbations aux frontières intérieures et à garantir le bon fonctionnement des franchissements de frontières le long du réseau transeuropéen de transport (RTE-T).
Les évaluations Schengen de 2024 ont confirmé que de nombreux pays de l’espace Schengen ne disposaient toujours pas du cadre juridique nécessaire à la mise en œuvre d’une coopération transfrontière efficace, étant donné que plusieurs accords sont toujours périmés. Il existe également des obstacles opérationnels dans certains pays, tels que des restrictions à l’exercice d’une surveillance mobile suffisante ou des limitations légales à la possibilité pour la police de recevoir de la part des exploitants de transbordeurs les données relatives aux passagers. Dans certains cas, ces obstacles ont abouti à la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures, alors que, très souvent, les mêmes résultats pourraient être obtenus, souvent de manière plus efficace et plus efficiente, par l’exercice des pouvoirs de police nationaux.
Des mesures correctives sont particulièrement urgentes pour les pays de l’espace Schengen qui ont notifié la réintroduction de contrôles aux frontières intérieures car ceux-ci constituent une dérogation aux principes qui sous-tendent la coopération Schengen. Depuis avril 2025, dix pays de l’espace Schengen ont réintroduit des contrôles aux frontières intérieures ou les ont prolongés.
Le 10 juillet 2024, le code frontières Schengen révisé est entré en vigueur. Il contient un cadre actualisé régissant la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures, assorti de délais plus clairs et d’obligations plus strictes en matière de suivi et d’établissement de rapports pour les pays de l’espace Schengen et la Commission. L’entrée en vigueur du code frontières Schengen révisé est considérée comme le début du nouveau cadre juridique, ce qui signifie que les délais et obligations prévus par ce nouveau code s’appliqueront à partir de la première notification après son entrée en vigueur. La Commission a adopté des modèles pour les notifications et les rapports que les États membres doivent présenter en cas de réintroduction du contrôle aux frontières intérieures.
La Commission suit de près les actions menées par les pays de l’espace Schengen, en engageant un dialogue structuré avec tous les États membres concernés afin de détecter toute lacune ou incohérence dans l’application des nouvelles règles, y compris les pratiques en matière de transfert aux frontières intérieures. Par les évaluations qu’elle réalise actuellement, la Commission a pour objectif, d’une part, de veiller à ce que toute mesure mise en œuvre soit à la fois proportionnée et nécessaire et, d’autre part, de s’assurer que les notifications de réintroduction des contrôles aux frontières intérieures soient strictement limitées aux cas avérés et justifiés, en particulier dans les situations où les mesures en question ne font que renforcer les efforts de coopération policière.
La Commission se félicite de l’accroissement de la coopération opérationnelle, y compris au niveau régional, et encourage de nouvelles initiatives, telles que l’exercice de pouvoirs de police dans les zones frontalières, qui constituent des outils puissants pour répondre aux préoccupations légitimes des États membres en matière de migration et de sécurité. La Commission reste déterminée à défendre les principes de libre circulation et de sécurité dans l’ensemble de l’espace Schengen et assurera, si nécessaire, un suivi au cours du prochain cycle Schengen, y compris en rendant des avis, comme le prévoit le code frontières Schengen révisé.
5.Priorités du cycle Schengen 2025-2026
Les avantages que l’espace Schengen a apportés aux citoyens de l’UE n’auraient été guère imaginables lorsque les cinq États membres fondateurs ont signé l’accord de Schengen il y a 40 ans. Au fil du temps, Schengen est devenu un système solide et complet, qui gère les frontières extérieures, la sécurité et les migrations avec efficacité et de manière coordonnée, dans le respect plein et entier des valeurs européennes et des droits fondamentaux.
Afin de préserver ces réalisations et d’en tirer parti, l’espace Schengen requiert une attention et un engagement continus. Quarante ans après la création de Schengen, il est essentiel de reconnaître que le paysage géopolitique et sécuritaire a évolué, et de prendre les mesures qui s’imposent afin que les fondations de Schengen soient suffisamment résilientes pour répondre aux défis futurs. Compte tenu du processus d’élargissement de l’UE en cours, c’est une priorité pour la Commission.
Dans le cycle Schengen 2025-2026, il convient de renforcer l’action dans trois domaines principaux. Premièrement, il est essentiel de consolider le cadre de gouvernance afin d’améliorer la coordination des politiques. Cela offre d’importantes possibilités d’adopter une approche plus structurée, qui privilégie la mise en œuvre effective, le partage des responsabilités et l’obligation claire de rendre des comptes à tous les niveaux.
Priorité nº 1: consolider le cadre de gouvernance en s’appuyant sur les progrès réalisés au cours de l’année écoulée et en vue de donner effet à une approche plus structurée, axée sur la mise en œuvre, la responsabilité partagée et l’obligation de rendre des comptes. Bien que le suivi technique demeure important, il n’est pas suffisant de sorte qu’il est nécessaire de renforcer la gouvernance politique pour progresser réellement.
-Au niveau de l’UE, cela nécessite l’établissement d’un cadre structuré pour assurer le suivi des priorités, y compris un contrôle politique accru. La Commission collaborera étroitement avec les présidences du Conseil et les pays de l’espace Schengen dans ce domaine.
-Au niveau national, les pays de l’espace Schengen doivent poursuivre le développement de systèmes de gouvernance nationaux efficaces en renforçant la coordination interne de toutes les questions liées à Schengen. Les pays candidats à l’adhésion à l’UE doivent également développer ces systèmes de gouvernance nationaux avant l’adhésion afin de se préparer à rejoindre l’espace Schengen.
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Deuxièmement, une approche structurée et cohérente de la sécurité est nécessaire, ce qui exige une coopération policière plus étroite. Compte tenu des limitations légales et opérationnelles persistantes, il conviendra de continuer à œuvrer, aux niveaux européen et national, à l’intensification de la coopération entre les services répressifs. Une approche globale couvrant l’ensemble des menaces qui pèsent sur notre sécurité doit devenir un pilier central du système Schengen.
Priorité nº 2: une approche structurée et cohérente de la coopération policière afin d’exploiter le potentiel de la recommandation du Conseil relative à la coopération opérationnelle des services répressifs et du code frontières Schengen, et d’évoluer vers des initiatives de coopération régionale appliquant l’approche axée sur l’ensemble de la route.
-Au niveau de l’UE, un suivi s’impose en ce qui concerne la principale conclusion de l’évaluation par la Commission des recommandations relatives à la coopération policière, selon laquelle «les défis juridiques, techniques et opérationnels persistants mettent en évidence les limites des recommandations non contraignantes actuelles». Une discussion stratégique à l’échelle de l’UE sera lancée aux fins de l’élaboration d’une vision commune.
-Sur le plan national, les pays de l’espace Schengen doivent réévaluer les initiatives de coopération existantes à la lumière de la dimension plus large des menaces, qui s’étendent au-delà des voisins immédiats et rendent nécessaire une réaction coordonnée aux défis qui se posent à toutes les étapes. Il faudra, à cet effet, utiliser tous les outils de coopération transfrontière, y compris dans les régions frontalières intérieures, conformément au code frontières Schengen révisé. Le coordinateur Schengen continuera de soutenir les travaux de coopération opérationnelle des services répressifs, notamment en renforçant la coopération avec les services répressifs des pays candidats à l’adhésion à l’UE.
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Troisièmement, il faut accélérer les efforts pour tenir les promesses de numérisation, des jalons clés devant être atteints dans les mois à venir afin que le système d’entrée/de sortie et le système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages soient en bonne voie pour respecter le nouveau calendrier. Il est essentiel d’éviter tout nouveau retard car il en résulterait des coûts importants, notamment des vulnérabilités prolongées en matière de sécurité, des manques d’efficience dans la gestion des frontières et des occasions manquées de rationaliser les procédures migratoires.
Priorité nº 3: accélérer la numérisation des procédures et des systèmes afin d’accroître la sécurité et l’efficience aux frontières extérieures de l’UE et au sein de l’espace sans contrôles aux frontières intérieures.
-Au niveau de l’UE, cela nécessite un contrôle politique rigoureux du respect des jalons et du calendrier révisé. Dans le même temps, les discussions stratégiques doivent se poursuivre sur le cadre plus large de la numérisation afin de combler les lacunes en matière de sécurité et d’efficience, y compris en ce qui concerne la sécurité des documents, la gestion des migrations et les retours.
-Au niveau national, les pays de l’espace Schengen devraient faire un meilleur usage des outils existants, en particulier du système d’information Schengen et du système d’information sur les visas. Les pays de l’espace Schengen doivent se doter des équipements, processus et systèmes permettant le déploiement rapide et efficace du cadre d’interopérabilité, en particulier le système d’entrée/de sortie, le système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages, Eurodac et le système d’information sur les visas.
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La Commission invite le Conseil Schengen à approuver ces priorités lors de sa prochaine réunion en juin 2025. Les priorités et considérations présentées pour ce nouveau cycle Schengen devraient également servir de base au renforcement du dialogue politique tant au niveau national qu’au niveau européen, y compris au sein du Parlement européen et du Conseil.